vendredi 8 juillet 2016

"Le retour au pays de Jossel Wassermann" de Edgar Hilsenrath


“Le retour au pays de Jossel Wassermann” de Edgar Hilsenrath.
Ed. Le Tripode 2016. Pages 260.
Titre Original: “Jossel Wassermanns Heimkehr”

Résumé: Un froid glacial s’est abattu sur le village de Pohodna. Les habitants juifs de ce shtetl ont reçu l’ordre de rejoindre le wagon qui les attend à la gare. À l’intérieur, oubliant l’obscurité et la crainte, le rabbin confie à l’esprit du vent : « Les goys sont stupides. En ce moment ils pillent nos maisons. Et ils creusent le sol de nos jardins. Et ils croient que nous avons laissé là-bas tout ce que nous possédions. Et ils rient dans leur barbe. Mais ils ne savent pas que nous avons emporté le meilleur. » « Et c’est quoi, le meilleur ? » demande le vent. Et le rabbin de répondre : « Notre histoire. Elle, nous l’avons emportée avec nous. »
Pour ceux qui admirent les romans d’Edgar Hilsenrath, Le Retour au pays de Jossel Wasserman apparaîtra comme un nouveau chef-d’œuvre. Sur son lit de mort, Jossel Wassermann raconte les péripéties, célébrations, joies et misères d’une famille haute en couleurs, depuis son installation dans les shtetls, ces petites communautés juives éparpillées dans l’Est de l’Europe, réduites à néant par la seconde guerre mondiale. Texte tardif dans l’œuvre d’Hilsenrath, il est peut-être le plus émouvant de tous par sa douceur et son humble drôlerie, son désir de faire revivre un monde qui a bercé l’enfance et l’imaginaire d’un auteur désormais culte. Cette nouvelle édition, dans une traduction revue par Chantal Philippe, paraît à l’occasion des 90 ans d’Edgar Hilsenrath.

La 7 de la page 7: “En cette saison, la nuit tombe vite.”

Dernier Hilsenrath à avoir rejoins ma bibliothèque, “Le retour au pays de Jossel Wassermann” est un récit décalé de la vie d’un juif. On y rencontre ses ancêtres et ses contemporains. Histoire atypique d’une généalogie juive condamnée au pire, le destin de Jossel Wasermann raconte son histoire et celle de milliers d’autres. La plume d’Hilsenrath est toujours aussi efficace. L’auteur frappe là où le lecteur a mal. Avec ses mots acérés, il nous dresse une gigantesque fresque oscillant entre le pathétique et le courageux. Un très grand roman signé par un des plus grands auteurs européens contemporains.

Extrait: “Nous avons appelé la Chevra Kaddisha, c’est une société de pompes funèbres, des gens pieux qui lavent les morts et les enveloppent dans un linceul blanc. Comme un mort ne doit pas rester plus de vingt-quatre heures sur la terre, dont la surface n’a été créée par Dieu que pour les vivants, tandis que les morts doivent reposer dessous, sans retard et recouverte de cette même terre dont Dieu a façonné les humains mon père fut enterré au cimetière juif à l’aube, c’est-à-dire peu de temps après que le soleil eut déjà atteint la hauteur du pont, je veux dire, notre petit pont de bois sur le Prut. Je me souviens du long cortège funèbre, car presque tous les juifs étaient venus. Ils se lamentaient et pleuraient, et leurs voix étaient presque aussi fortes que celles des pleureuses qui se contentaient de faire la mascarade, s’arrachaient les cheveux et chantaient et braillaient et imploraient Dieu qui voyait tout. Les goys, pour la plupart des paysans et des valets de ferme, se tenaient au bord de la route et ricanaient, plaisantaient ou riaient bruyamment, car ils étaient joyeux qu’il y ait un Juif de moins.”

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