dimanche 28 mai 2017

"Catch 22" de Joseph Heller

"Catch 22" de Joseph Heller.
Ed Grasset (les cahiers rouges) 2015. Pages 570.

Résumé: Catch 22, l'Article 22, est un « attrape-nigaud » qui permet à un colonel américain d'imposer un nombre de missions sans cesse croissant à son escadrille de bombardement basée dans une petite île de la Méditerranée pendant la Seconde Guerre mondiale... Yossaran, héros tragi-comique de cette épopée burlesque, est décidé à tout tenter pour sauver sa peau : il estime que sa seule mission, quand il s'envole, consiste à atterrir vivant. Simuler la folie dans cet univers délirant lui paraît le meilleur moyen de tirer au flanc. Hélas, l'Article 22 stipule : « Quiconque veut se dispenser d'aller au feu n'est pas réellement fou. » Cette première oeuvre de Joseph Heller compte parmi les meilleurs romans américains de l'après-guerre.

La 7 de la page 7: "L'aumônier s'amena le lendemain de l'incendie." 

"Catch 22" est un roman bien curieux par bien des côtés. Déjà, c'est un roman de guerre qui n'en est pas un aux premiers abords. Ce roman est drôle tout en restant fondamentalement tragique. Le deuxième (voire troisième) degré est, ici, assez douloureux. 
Que cachent ces situations burlesques et ces situations cocasses sinon les atrocités de la guerre? Et c'est dans cet aspect que réside le côté déroutant de "Catch 22". On rit parfois et ensuite on se pose et on se rend compte du tragique de ce qui nous a fait rire. 
Si le livre part dans tous les sens, Heller nous livre pourtant une critique acide de la guerre, de son absurdité. L'innocence perdue à jamais pour une guerre absurde qui ne concernait pas ceux qui se sont battus en son nom. Le lecteur se sent comme jeté dans une histoire qui ne l'a pas attendu pour commencer et dont il connaît déjà la fin. 
Bien sûr, la plume d'Heller est drolesque au possible et pourtant c'est une véritable tragédie qu'il nous sert. On passe du coq à l'âne, de personnage loufoque à des situations tout aussi absurdes. A-t-on vraiment besoin de sens pour expliquer une guerre absurde. La preuve que non... 
Un livre drôlement tragique. 
Un livre tragiquement drôle. 

Extrait: "En fait, Major, Major devait sa promotion à une machine IBM dotée d'un sens de l'humour presque aussi développé que celui de son père. Quand la guerre éclata, il était encore docile et soumis. On lui dit de postuler pour des cours de cadets d'aviation et il postula, si bien, que dès la nuit suivante, il se retrouva pieds nus dans la boue glacée, à trois heures du matin, face à un sergent du Sud-Ouest, brutal et belliqueux, qui leur déclara qu'il pouvait réduire en bouillie n'importe quel soldat de son peloton et qu'il était prêt à le prouver séance tenante."  

"Le Trône de Fer: La loi du régicide" (tome 9) de George R.R. Martin

"Le Trône de Fer: La Loi du Régicide" (tome 9) de George R.R. Martin
Ed. J'ai Lu 2009. Pages 409.
Titre Original: "A Song of Ice and Fire: A Storm of Swords"

Résumé: Avec la disparition de Robb Stark, le royaume du Nord, déjà amputé par l'occupation des Fer-nés, miné par les trahisons sournoises de Roose Bolton, quasiment réduit au Conflans que contrôlent de plus en plus les Frey félons, en jouant sur les vieilles querelles locales, et au détriment de Vivesaigues, assiégé et promis à l'un des leurs, n'est plus guère qu'un héroïque souvenir. Ainsi les Lannister semblent-ils assurés de triompher. Les jours de l'unique prétendant légitime au Trône de Fer, Stannis Baratheon, réfugié sur sa malheureuse île de Peyredragon, sont comptés. Mais c'est oublier les haines séculaires, internes et externes, qui l'entourent et peuvent tout remettre en question.

La 7 de la page 7: "Des hommes à Lord Bolton."

Dans "La Loi du Régicide", on retrouve nos personnages préférés là où on les avait laissés dans le tome précédent, "Les Noces Pourpres". Martin avait laissé ses lecteurs pantois et avides de la suite, ne leur laissant qu'un seul objectif: retourner, au plus vite, à Westeros. Ces personnages, parfaitement maîtrisés par Martin sont devenus un peu les nôtres. On les adore. On les déteste. On adore les détester. On déteste les adorer. Ils nous hantent. Ils font ressortir une part de nous qu'on ne savait pas posséder. Personne n'est foncièrement bon ni foncièrement mauvais. Dans le monde de Martin, il n'y a pas de "gentils" ou de "méchants". Juste des êtres humains qui font des choix, bons ou mauvais. (Bon, ok, il y a aussi des dragons...) 
La couronne vacille et tous sont affamés de vengeance et de pouvoir. A chaque page,  une potentielle trahison pointe le bout de son nez. A tout moment, tout peut basculer. Le lecteur est en tension perpétuelle. Il ne veut pas voir son (ses) personnage(s) préféré(s) mordre la poussière. Les certitudes s'effondrent et les cartes ne sont pas dans les mains de ceux que l'on croyait. A qui peut-on faire confiance? A personne. Ce qui est intéressant dans ce tome, c'est de remarquer que les allégeances du lecteur se font surtout par les interactions entre les personnages. 
Par exemple, on ne peut aimer Baelish sans aimer Sansa. Mais on ne peut détester Jaime puisqu'on adore Tyrion. Là où on ne supporte pas Cersei, Tywin nous la rendrait presque sympathique. Des personnages qu'on détestait au départ sont soudain appréciés uniquement en raison des interactions qu'ils peuvent avoir avec des personnages qu'on préfère. Si on reprend l'exemple de Ned Stark, est-ce que quelqu'un a vraiment détesté Ned Stark? Mais même si on l'adore, au fur et à mesure que les tomes avancent, on ne peut que constater qu'il avait quand même une vision de choses assez naïve (et on utilise "Naïve" parce qu'on ne dit pas du mal des morts... Sinon, oui, il y a bien un terme plus efficace pour décrire le comportement de Ned...) 
Les personnages de Martin ne sont pas figés. Même les morts continuent de hanter les pages et, tour de force de l'auteur, même eux continuent à avoir une évolution. 
Même quand le texte est plus faible ou que l'action est plus lente, Martin est toujours sauvé par ses personnage, nos personnages.
On en redemande, sans jamais vouloir que la saga se termine. 

Le préféré: Petyr Baelish. 
Le plus détesté: Tywin Lannister. 

Extrait: "Aux premières lueurs de l'aube, il constata que la seule idée de manger lui soulevait le coeur. Au coucher du jour, je risque de me trouver en posture de condamné. La bile lui donnait des acidités d'estomac, son nez le démangeait furieusement. Il le grattouilla de la pointe de son couteau."

"L'Hôtel Hanté" de Wilkie Collins

"L'Hôtel Hanté" de Wilkie Collins.
Ed. de l'Autre 2006. Pages 277.
Titre Original: "The Haunted Hotel"

Résumé: Fiancée humiliée, veuve manipulatrice et soumise évoluant dans une famille en apparence respectueuse des usages de la haute société victorienne... Qui est vraiment la comtesse Narona ? Une intrigante prêt à tout pour toucher une prime d'assurance sur la vie de son époux, ou bien la victime de craintes superstitieuses sur laquelle le destin semble s'acharner ? Entre Londres et Venise, Collins campe les personnages aux facettes multiples et complexes qui seront, consciemment ou non, les complices d'une mort naturelle qui ne tardera pas à se révéler suspecte. Un des grands romans de Wilkie Collins !

La 7 de la page 7: "Hier, ne craignez pas une longue histoire, monsieur, hier même, je verrai de prendre part à un de vos lunchs anglais, lorsqu'une dame qui m'était tout à fait inconnue arriva." 

"L'Hôtel Hanté" est clairement à classer dans la catégorie "suspens du 19ème siècle". Les codes ne sont pas forcément ceux de maintenant mais on y trouve quand même le même type de structure. Les répétitions, fort présentes, permettent de construire une tension palpable tout le long du récit. Si on peut accabler ce roman de certaines longueurs voire même une certaine lenteur, force est de constater que lorsque l'action accélère, le lecteur ne peut que suivre au rythme  de plus en plus soutenu imposé par Collins. Les rebondissements s'accumulent et poussent le lecteur dans ses retranchements. Et au fur et à mesure que le rythme change, le texte devient de plus en plu troublant. 
Une lecture soutenue qui mérite qu'on s'y accroche et qui donne envie de continuer un bout de chemin avec Wilkie Collins. 

Extrait: "La couleur revint à ses joues, sa main trembla. Elle était belle ainsi, les yeux baissés et la poitrine se soulevant doucement. Il aurait donné tout au monde pour la prendre dans ses bras et l'embrasser. Une sympathie mystérieuse, une pression de la main fit comprendre à Agnès cette pensée secrète. Elle lui ôta sa main, et fixa sur lui son regard. Elle avait des larmes aux yeux. Elle ne dit rien; son regard parlait pour elle. Il disait, sans colère, sans haine, mais nettement, qu'il ne fallait pas la presser davantage en ce moment."